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« Si tu cours dans une meute, même si tu ne peux pas aboyer, remue la queue. »

Cette image tchékhovienne, lue dans La cerisaie, illustre avec humour la problématique des compagnies se produisant au Festival Off, en Avignon.

Créé il y a 44 ans par André Benedetto (décédé en juillet 2009) — qui voulait présenter Statues en parallèle du Festival — le Off a vite permis la libération de tous les diktats de la culture officielle et bien pensante de l’époque. C’est devenu un libre rassemblement de compagnies (AF&C), sans direction artistique (mais avec un président) et, cette année, elles étaient 850 qui regroupaient plus de 6000 artistes et présentaient quelques 1100 spectacles dans 123 lieux. Nous en avons rencontré certaines sous la « Spiegeltent » installée dans le village du Off — une école intra-muros mise à disposition par la Ville, superbe lieu destiné à faciliter les échanges et les débats entre professionnels du spectacle, médias et « spectacteurs ».

Au Festival Off d’Avignon, le meilleur côtoie le pire. Le pire… Certains titres prouvent que la médiocrité et un humour incertain situé en dessous de la ceinture sont de la partie : Faites l’amour avec un Belge, Vol au dessus d’un nid de cocus, Le sexe pour les nuls. Mais la programmation concerne d’abord la création contemporaine, puis le répertoire (Molière, Beckett, Maupassant, ou Shakespeare pour ne citer qu’eux), enfin la danse, le cirque, le conte, le mime et la marionnette. Le Off en Avignon — vitrine pour les régions de France et les compagnies qu’elles soutiennent — joue aussi la carte de l’internationalisation : des partenariats ont été noués avec des manifestations comparables, à Busan (Corée du sud), Okinawa (Japon), Pékin, Shanghai (Chine), Taiwan ou encore avec le gigantesque Fringe d’Edimbourg (Grande-Bretagne). Des artistes connus viennent aussi s’y produire, comme cette année Jean-Claude Drouot, Romane Bohringer, Judith Magre, Daniel Mesguich, Daniel Pennac, Olivier Sitruk et Philippe Avron, qui a attendu le dernier jour du festival pour tirer sa révérence.

La Cité des Papes intègre tout ça dans un ambiance cordiale, avec comme défi pour nous — attachée à la programmation des ATP de Lunel (34) — de dénicher quelques incontournables pour nos saisons à venir.

Les festivaliers, eux (1,3 million d’entrées prévues cette année), se retrouvent très vite noyés au milieu de cette offre massive. Quelle pièce aller voir ? Comment choisir parmi ces dizaines de flyers — plus chatoyants les uns que les autres — qui leur sont offerts au fil des artères avignonnaises ou aux terrasses des restaurants, parmi les affiches qui fleurissent sur chaque centimètre carré d’espace vierge (façades, vitrines, arbres), parmi les troupes qui paradent sous un soleil de plomb tout au long de la journée… ?

« Das ganze Stadt ist eine Bühne » : nous voulons reprendre — pour Avignon — cette image de Hugo von Hofmannsthal créant les Salzburger Festspiele en 1920. Eine Bühne où metteurs en scène, chorégraphes, musiciens, plasticiens nous font entendre notre quotidien par leur lecture d’œuvres choisies : l’incertitude, les faux-semblants, les trompe-l’œil, les vérités et les mensonges… En traversant les champs du politique, du désir, de la folie, vous aurez rencontré, je l’espère, ce qui fait que nous nous tenons debout dans la vie en vrai.

Ornella, fin Juillet 2010

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