« Winch only ». Théâtre musical. D’après « Le couronnement de Poppée » de Monteverdi. Conception et mise en scène Christoph Marthaler. CDN Dijon Bourgogne/Parvis Saint-Jean. Séance du samedi 2 décembre 2006.
Pour avoir vu « Groundings, eine Hoffnungsvariante » au Festival d’Avignon 2004, et rencontré Marthaler à cette occasion — c’était le 9 juillet — je m’étais promis de ne pas rater « Winch Only » à Dijon. Dijon ? Mais, c’est pas la porte à côté quand on habite Lunel ! Quand on aime, on ne compte pas… les kilomètres ! Non, ce n’est pas tout à fait ça… Chaque mois, je passe quelques jours dans cette ville auprès de maman qui s’est offert une éclipse cérébrale à 91 ans ! Alors, le soir, je me remets des Ophéliades en m’offrant « des nuits qui compensent nos jours » — je crois que cette expression est de Colette, la Bourguignonne, justement.
Et bien, cette soirée-là a été à la hauteur de mes attentes. Pour tout vous dire, « Winch only » est un spectacle joyeusement féroce sur les secrets de famille ! Avec beaucoup d’humour, il raconte les petites névroses de chacun : la mère qui picole ou pète en douce, l’hystérie vestimentaire des filles, l’intérêt inconsidéré de l’oncle pour les chansons de Mireille Mathieu, je passe… Une fri-an-dise ! Les voix, la partition, le pianiste Bendix Dethleffsen qui illustre avec maestria les désaccords majeurs de la famille… superbe ! Et quand elle se retrouve — la famille — autour de l’Incoronazione di Poppea, s’élève un somptueux choral. Et quand, seule, très seule, la mère emplit douloureusement l’espace scénique avec un lied du « Cid » de Massenet : « Pleurez, pleurez mes yeux ! », c’est l’apothéose ! Ein Lebkuchen ! Oh ! là, ça sent la friandise de Noël, mais Marthaler est né à Erlenbach !
Venons-en au titre : « Winch only ». La traduction proposée : « Réservé au treuillage » en a perdu toute la poésie, voire le sens ! Pour fréquenter un marin, je peux vous dire que si vraiment on veut traduire « winch » — qui se dit « winch », alors ouvrons l’imaginaire et proposons : « Réservé à l’embraque ». Embraquer, c’est le terme marin. À première vue, rien d’évident entre Poppée et l’aire réservée sur le pont d’un bateau appelée l’embraque. Utilisons-le pourtant car, dans sa mise en scène, Marthaler — considéré comme la figure de proue du théâtre musical européen — ne se prend pas les pieds dans… la psychanalyse, il use des « ficelles » (pardon au marin) du burlesque et du grotesque tendues au winch pour un numéro de voltige totalement maîtrisé. Vous sentez les embruns ?
C’était surtitré ? Ah ! Oui ! Mais bon, ça a été créé en flamand au KunstenfestivaldesArts à Bruxelles…
Ornella, le quatorze décembre deux mille six.