Roger Planchon

Cher Jean,

Tu ne m’as rien demandé et pourtant ça me démange de te dire ce que je pense de la pièce de Planchon lue lundi soir. Je suis partie très vite car je ne voulais croiser aucun regard interrogateur qui m’aurait inévitablement amenée (je me connais) à parler à chaud de la déception que j’avais éprouvée.

Planchon commence par un speach où il insiste sur le devoir qu’on (spectateur) doit se faire d’écouter, de voir les pièces contemporaines. O.K.

Mais qu’est-ce qu’une pièce contemporaine ? Qu’est-ce qu’une écriture contemporaine ? Une pièce écrite, dans notre siècle, avec un crayon à bille ou un ordinateur ? Car, qu’y a-t-il d’autre dans cette pièce qu’une nostalgie de troufion (Sadam Hussein est beaucoup plus créatif en matière de stratégie guerrière) qui tire sur tout ce qui bouge ou qui le dérange, ou qui « tire (encore !) un coup » avec la première fille qui passe. Pardonne, s’il te plait, ma vulgarité, mais c’est dans le ton de la pièce, non ? Qu’y a-t-il d’autre qu’une nostalgie de la femme, Blanche — c’est son prénom !, vierge, n’ayant d’autre conversation que ses larmoiements. Qu’y a-t-il d’autre qu’une avalanche de clichés… Qu’y a-t-il…

Mais je n’ai pas envoyé ce texte à Jean, le dossier de presse reçu était si élogieux !

Michèle Jung, le 26 novembre 1990, à propos de « Le vieil hiver », lu par Roger Planchon, au C.D.N. (Théâtre des Treize Vents)…