Kristin, nach Fräulein Julie…

… d’après August Strindberg, adaptation et mise en scène Katie Mitchell, discussion au foyer des spectateurs, à l’École d’art d’Avignon.

Je sais que ce n’est pas un billet d’humeur que je dois produire, mais Katie Mittchell (K. M.) m’a mise de « mauvaise » humeur… Sans commentaires.

Mais comment taire ?

La première question est sur le film, la seconde sur le son, la troisième sur le fait qu’on ne sait ni quoi regarder, ni quoi entendre… Et cette question sur la place du spectateur sera récurrente… Pour ma part, je ne la reprendrai pas, je dirai simplement que K. M. a répondu par une métaphore : je me suis vengée, dit-elle, sur l’art et la peinture… Les impressionnistes ne sont pas mes préférés, mais j’ai travaillé comme eux : pas de perspective centrale, mais importance de chaque partie de la toile, ce qui exclut de voir l’ensemble (sic!). Et bien là, c’est pareil, vous ne voyez qu’une petite partie de là où vous êtes placé, et bien contentez-vous de ça. On voit ce qu’on voit.

Le fait que les comédiens soient aussi camera(wo)man surprend. On voit, dit une spectatrice, toute la « cuisine ». K. M. entend « Kitchen » dans la traduction de Gabrielle (on lui explique le sens de l’expression en français). Ça ne nuit en rien à l’action se défend K. M., je veux montrer tous les petits détails de ce qui se passe dans la vie. Et ici, c’est le point de vue d’une metteur en scène femme sur un texte généralement mis en scène par des hommes.

Et Kristin ? Le choix de la cuisinière — l’esclave, comme dit Strindberg — est-ce un choix politique ? Oui, c’est un choix politique, social et… féministe.

Et les acteurs ? Ont-il du plaisir à faire tout ce qu’ils ont à faire : manipuler les caméras, se perdre dans les câbles qui sont au sol, se voir filmés pendant qu’ils jouent… Ça ne m’intéresse pas de savoir si les acteurs s’amusent où non, dit notre hôtesse, ce qui m’importe c’est que le public soit satisfait. Ce qu’ils font est compliqué, mais c’est leur travail. Entendant certainement les propos qu’elle tient, elle dit : ce n’est pas… « Et moi !», « Et moi !», «Et moi ! », nous sommes toute une équipe. En Grande-Bretagne, je travaille avec une équipe, nous avons des habitudes, ça fonctionne très bien ; à la Schaubühne, c’est plus difficile, ils ne connaissaient pas mes méthodes de travail.

Ah ! dit l’animateur, vous avez une École, une théorie qu’on pourrait appeler Mitchellienne. Non, je suis dans ce que je fais, je n’ai pas le temps de théoriser.

Et la dramaturgie ?, se hasarde une spectatrice. La Schaubühne m’a imposé sa dramaturge, Mala Zade. Sa place est dominante. Elle a regardé ce que nous faisions, elle m’a fait passer ses notes avec ses suggestions…

Moi (la rédactrice de ce compte-rendu) qui pensais voir un spectacle de la Schaubühne pour retrouver l’esprit, la méthode, la « patte » de… Thomas Ostermaïer… Sacha Walz… Falk Richter — vous vous souvenez « Trust » l’an dernier dans la Cour du Lycée St Joseph ?… Schade !

Ornella, le 23 juillet 2011
Festival d’Avignon

Der Prinz von Homburg…

« Ein Traum, was sonst ? » sagt Kottwitz zu Homburg

Eine Realität, was sonst… ?, habe ich diese Replik parodiert, als ich am letzten Dezember diese Theaterveranstaltung verlassen habe.

Es gibt mythische Werke, die durch Erinnerungen, durch Phantome von Schauspielergestalten und durch Schatten von Regisseuren, durch Polemiken, wie mit einem Heiligenschein umgeben sind… Kaum wagt man es, sie anzurühren, gerade nur von ihnen zu träumen. Ein solcher Fall ist das Stück « Der Prinz von Homburg » von Heinrich von Kleist, das uns ein Dilemma erzählt, wie man es bei Corneille finden kann. Für den Prinzen dieses Abends (Gilles Chabrier) hatten alle im Zuschauerraum des Theaters Jean Vilar de Romans — ob Mann oder Frau — die Augen von Chimène. Kleist hätte seinen Gefallen daran gefunden. Es muß noch erwähnt werden, daß die Inszenierung von Françoise Maimone war.

In diesem von Heinrich von Kleist 1811 geschriebenen Stück gibt es nicht den Traum und die Realität. Es gibt nicht einmal Tagtraum, sondern zwei Realitäten.

Für diejenigen, die sich über den tieferen Sinn des Textes getäuscht hätten, möge daran erinnert werden, daß wir, in diesem Stück, in dem Preußen von 1811 sind. Wir befinden uns in einer historischen Situation, die für die Zeitgenossen Kleists heilig ist, denn das Kurfürstentum Brandenburg ist eben in Folge dieses Sieges von Fehrbellin über die Schweden zu Preußen gekommen.

Ist Homburg heroisch, weil er den Gehorsam verweigert hat, oder weil er am Ende gehorcht hat ?

Macht Kleist eine Apologie der Staatsvernunft, oder denunziert er die Vernichtung des Individuums durch die Macht ?

Beides trifft zu — und genau dies verleiht dem Text seine Stärke. Françoise Maimone hat ihn inszeniert, ohne sich um irgendeine politische Dimension zu kümmern. Sie hat uns mit dem Universum Kleists vertraut gemacht, sehr weit entfernt von allen Klischees. Kleist, der sich selbst als « unaussprechlich » bezeichnete, ist nicht zu politischen Zwecken zu benutzen — an « Kein[em] Ort …Nirgends » würde Christa Wolf sagen..

Françoise Maimone huldigt ganz einfach diesem Erben des Aufklärungszeitalters, der vor allem dessen Dämmerung erforschte ; und Gérard Maimone unterstreicht dies mit seinen  » Éclats nocturnes » am Klavier und Cello.

Die Musik war ja für Kleist eine Hilfe gewesen. Er hat sogar folgende seltsame Worte geschrieben :  » … so habe ich, von meiner frühesten Jugend an, alles Allgemeine, was ich über die Dichtkunst gedacht habe, auf Töne bezogen. Ich glaube, daß im Generalbaß die wichtigsten Aufschlüsse über die Dichtkunst enthalten sind » (À Marie von KLEIST, Berlin, été 1811)

Die Szenographie von Brigitte Bosse-Platière schafft einen einzigen und zeitlosen Ort, der den Raum strukturiert, in dem Kleist mit der Welt abrechnet. Reine, einfache, dunkle Linien, die durch die Dämmerbeleuchtung von Stephan Meynet hervorgehoben werden. In der preußischblauen Nacht kennzeichnen die Kostüme von Florenz Demingeon jede Figur. Der Prinz ist etwas eingeengt in dem Seinigen, genauso wie Kleist in seinem eigenen Leben, zwischen Gesetz und Gefühl hin- und hergerissen.

Kleist stellt tatsächlich mehr als einhundert Jahre im voraus, die These auf, die Georges Bataille eindeutig formulieren wird, nämlich dass die Worte schwer ausdrücken, was sie letzten Endes zu sagen haben : das Wort leugnet das Ziel, das — unaufhörlich verneint — der « pulsionnellen » Maschine immer wieder neuen Aufschwung ermöglicht.

Was Kleist wollte, ist eine Rede, die ihr Ziel erreichen würde ; das ist ein Schicksal des Triebes, wo sein Gegenstand mit seinem Ziel zusammenträfe, das ist eine Wirkung der Sprache, wo die menschliche Rede nicht mehr Rede des Wortmangels wäre, sondern Rede von « effectuation », von Verwirklichung. Dies ist jedoch exakt das, woran er leidet und woran auch seine Figuren leiden : Einsamkeit, Unmöglichkeit, etwas mitzuteilen ; Unmöglichkeit mit der Sprache selbst die Wahrheit des eigenen Seins zu erfassen, dennoch wird die Wahrheit in bestimmten Momenten mit Bewußtsein empfunden. Die Inszenierung von Françoise Maimone hat einen Raum geschaffen, in dem diese Sprache, die für Kleist so charakteristisch ist, wahrgenommen und verstanden werden kann.

Als Übersetzung wurde die von Pierre Deshusses und Helene Kuhn. gewählt. Eben in diesem Französisch hätte Kleist sein Stück schreiben können, wenn er es in dieser Sprache — die er sehr gut sprach — geschrieben hätte…

Sich von den gegebenen Hinweisen führen zu lassen, angesichts der Abwesenheiten zu schwanken, sich in die Falle locken zu lassen, Gewitter über sich ergehen zu lassen… ja, das habe ich genossen, ohne zu merken, wie die Zeit vergeht…

Ornella, Avignon, 1er juin 2009

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Après coup …

Après coup… des trous, des bords, des pleins…

Ce que j’ai tenté d’analyser — lors de ma lecture de Le tour d’écrou d’Henry James — c’est comment j’y suis entrée et comment il m’est arrivé de m’y perdre, pour mieux m’y retrouver au long de nos soirées de réflexion. Celles-ci m’indiquant quels signifiants circulaient — pour ce que j’entendais — dans les entrelacs, lors des interventions de chaque « Un ». Wenn ein Psychoanalytiker öffentlich spricht, wer spricht… ? Question posée…

Au fil de ce travail, de ma lecture aussi, je me suis particulièrement arrêtée sur des il(s), des ça, des moi… J’y entendais le « es » allemand. Ce « es » — qui n’est ni « il » ni « on », mais des ça, ou des cela.

Je citerai seulement ceux rencontrés en page 101, au chapitre 14, là où les choses se précipitent (j’entends bien ce mot !) :

J’ai déjà oublié pourquoi tu l’avais fait. Ich habe schon vergessen, warum du es gemacht hattest.

C’était juste pour vous montrer que je pouvais le faire. Das war nur, um Ihnen zu zeigen, daß ich es machen konnte.

Et je pourrais le faire de nouveau. Und ich könnte es wieder machen.

Certainement. Mais tu ne le feras pas. Sicherlich. Aber du wirst es nicht machen.

Non, pas de nouveau ça. Ce n’était rien. Nein, nicht wieder das. Das war nichts.

Ce n’était rien, répétais-je. Das war nichts…

Ce « es  » — je l’ai mis au travail pour retrouver les signifiants et le sujet de ce qui fait sculpture analytique de ce texte. En voici quelques trace. Ce ne sont que des traces :

Dans son Séminaire Logique du fantasme (1966-1967), Lacan dit que « le Ça est une pensée mordue de quelque chose qui est, non pas le retour de l’être, mais d’un d-és-être . De même, l’inexistence au niveau de l’inconscient est quelque chose qui est mordu d’un je pense qui n’est pas « je » : « Es denkt in mir » , dit-on en allemand. Et ce « il pense » — qui n’est pas « il » — je peux le rapprocher d’un « Ça », et je le relève comme un « Ça pense».

Pour Freud, les expériences du moi, si elles se succèdent de génération en génération, se transposent en expériences du « ça », qui hébergent les restes innombrables du « moi »… … « moi », « ça », Das Ich und das Es, Freud, 1923.

Le modèle de l’inconscient c’est donc un « Ça pense » — certes, mais à condition que l’on s’aperçoive qu’il ne s’agit de nul être, sinon c’est un court-circuit et une erreur, quelque chose qui ne donne pas assez de relief au « Ça » dont il s’agit.

Citons encore Lacan : « (…) le « Ça » dont il s’agit n’est assurément bien sûr d’aucune façon la première personne…, le « Ça » n’est ni la première, ni la seconde personne, ni la troisième. La troisième serait celle dont on parle. (…) Le « Ça » dont il s’agit est ce qui, dans le discours, en tant que structure logique, est tout ce qui n’est pas je ». Façon de dire qu’au « Cogito ergo sum », il substitue un « Cogito, ergo es ».

J’ai mis aussi ce « es » au travail avec ses homophonies : Es (sujet neutre) — « traces mnémiques » jadis perceptions, charges psychiques, reviviscences, restes visuels, ou, « Gedächtnis — im psychoanalytischen Sinn des Wortes — bedeutet eine versteckte Arbeit von Speicherung und Entstellung der Spuren vergangener Ereignisse » . S barré (sujet barré), S du signifiant, S : fricative dentale sourde… Es (E-S) — mi bémol et… si le bémol abaisse le son de la note d’un demi-ton, c’est le mi de mi-dire qui, dans l’univers du discours, désigne ce qui est à moitié dit ou… à moitié tu (un tu qui n’est pas « tu »). Nous l’appellerons une suspension — pour ne pas dire une cassure — entre dit et mi, un contretemps qui prend son sens tant du côté de l’inconscient que du côté du Ça — forme syncopée de « cela » à l’ouïe du violon.

Le 17 janvier 1962, Lacan avance que « dans l’acte de parole, le sujet se constitue comme un étant ayant été : « ein Gewesen » qu’il rapproche de l’adage freudien :

« Wo Es war, soll Ich werden »

Allez savoir pourquoi, me voici à re-lire les 4 discours de Lacan — en allemand ! Pourquoi ? Je pense… enfin… « es denkt in mir » que les quatre discours montrent toutes les constellations des rapports fondamentaux qui peuvent exister quand le sujet parle à un autre. Der Herrensignifikant, S1 Die Signifikantenkette, das Wissen, S2 Das gespaltene Subjekt, das Subjekt (des Unbewußten), S barré « a » : die Mehrlust

Die Lancanschen vier Diskurse ergeben sich durch Rotation der Terme über die vier feststehenden Plätze : jeveils ein Vierteldrehung ergibt einen anderen Diskurs.

Si on s’y amusait… les dés sont jetés…

Avignon, le 15 juin 2009 Michèle Jung

Frankreich im WM-Finale

À Emmanuel et Cécile,

Hier soir, après nos laborieux travaux sur internet avec Cécile, j’ai décidé de regarder LE match… Je n’avais pas regardé de match de foot, je crois, depuis ceux que j’allais voir quand mon père jouait comme vétéran dans l’équipe de Vaux sous Aubigny ! Papa était goal, de son prénom : le Paul.

Bon. Eh bien ! hier soir, celui que j’ai trouvé formidable c’est Fabien Barthez (Han… ? Han… ?, dirait mon analyste !). En effet, je pense que ce n’est pas Zidane qui a fait gagner l’équipe de France, mais lui. Les joueurs portugais se passaient remarquablement bien le ballon et, si Barthez n’avait pas été aussi talentueux, ils auraient ga-gné… Cette petite réflexion ne remet pas en cause le jeu de jambes de Zizou, vous l’aurez compris ?

La finale ? Dès demain, je prends mes quartiers d’été en Avignon et, dimanche soir, je serai à la Carrière de Boulbon… Anatoli Vassiliev y donne « Mozart et Salieri. Requiem » d’Alexandre Pouchkine. J’aurai l’occasion de vous en dire quelques mots… au-delà de ce qui s’en dira, puisque je rencontrerai Anatole — comme elle dit — chez Natacha pour un thé, un apéritif, voir un repas, selon… le besoin qu’il aura de s’extraire du bruit des autres pendant ce Festival.

P.S. Emmanuel et Cécile, aviez-vous remarqué que vos deux prénoms s’enlaçaient mieux dans cet ordre, sans rupture de la chaîne parlée ? Donc, dans la mesure où aucun problème de hiérarchie n’interférait, j’ai applique ce principe poétique qu’on appelle la paronomase…

Michèle Chazeuil, le 6 juillet 2006