Lors de sa présentation, Tiago Rodrigues avait dit : nous allons « vivre des histoires ensemble »…
La première, pour moi, fut celle présentée par Ali Chahrour. Au Liban, alors que la guerre fait rage, des dizaines de travailleuses migrantes, sont abandonnées par leurs employeurs partis à l’étranger. Elles errent sans ressources sur la corniche de Beyrouth… Un choc ! J’en aurai d’autres. Des déceptions aussi !
Ce fut le cas du « Canard sauvage » d’Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier, que j’attendais avec tant d’impatience et de certitudes. Oh là,là ! Thomas O. s’est « rangé », son travail — avec les talentueux comédiens de la Schaubühne — s’est révélé d’un classicisme déconcertant.
Marthaler, merci à lui, a été marthalérien en diable. Dans son spectacle Le sommet, tout fut lent, bancal, minutieusement désynchronisé – et c’est précisément là qu’a résidé la magie du metteur en scène suisse. Il n’a pas cherché à faire avancer une intrigue (il n’y en a pas réellement), mais à capter une poésie du flou, un comique du presque, une humanité vacillante et en même temps tenace. À partir de ce rien – un lieu sans issue, des mots creux, des gestes ratés – il a tout dit : l’incommunicabilité, les illusions de la coopération mondiale, mais aussi cette force étrange qui continue de relier les êtres. Un travail d’orfèvre…
J’ai fait une autre découverte qui m’a ravie, en la personne de Mohamed Toukabri dans « Every-body-knows-what-tomorrow-brings-and-we-all-know-what-happened-yesterday » ! Le style de ce danseur virtuose est inclassable : formé dans les rues de Tunis où il a vécu jusqu’à 18 ans, puis à l’école P.A.R.T.S., fondée parA. T. de Keersmaeker, revendiquant l’influence du chorégraphe S. L. Cherkaoui et de la Needcompany de Jan Lauwers, il interprète ce solo unique sur une musique signée A. Fröhlich.
Pour clore en beauté, le metteur en scène Mario Banushi, albanais d’origine, nous a présenté Mami, un hommage muet aux femmes de sa vie. : mère, grand-mère, sœurs… Ce spectacle aux images somptueuses s’est, aux dires de certains, imposé comme l’une des révélations de ce Festival.
Quant au choix de la langue arabe, comme langue invitée, je laisse Tiago R. s’exprimer : « Notre conviction est encore plus forte de ne pas laisser cette langue devenir otage de discours et actions de haine. L’arabe est une langue qui, à travers le temps, a été vecteur de transmission de savoirs, de production de connaissances, de liberté, de diversité. Et c’est précisément cette influence, dans notre culture globale, que nous voulons célébrer. Nous sommes très conscients évidemment que chaque langue porte avec elle un contexte historique et politique. » Bel hommage. Mais, de langue arabe, il n’y eut quasiment que de la danse. Pour les deux où trois autres avec texte, ce ne furent pas des découvertes, les artistes invités venaient en Avignon pour la 2e ou 3e fois, ou étaient des créateurs solidement établis en Europe depuis quelques années… Ah ! Quand même ! La langue arabe était présente dans toutes les annonces demandant d’éteindre son portale et de ne pas faire de photos !!!
Mais… j’ai vécu ce Festival 2025, avec autant de plaisir, d’enthousiasme et de curiosité… que les cinquante huit autres le précédant !
Ornella